<< Les ailes japonaises en guerre >> M. Okumiya, J. Horikoshi, M. Caidin

Seconde partie

Impossible de me dérober. En effectuant un virage j' exposerai le ventre de mon Zéro à leur tir concentré. Il faut donc poursuivre ! ... 80, 60, 50 mètres. Je ne peux venir plus près et appuie rageusement sur mon bouton de mise à feu. Mon canon de 20 mm et les mitrailleuses américaines tirent presque simultanément, emplissant de balles traceuses le court espace qui nous sépare.

Broum ! Un bruit effroyable, défiant toute description. Le monde paraît faire explosion. Mon Zéro s'agite comme un jouet. Que s'est-il passé? Je l'ignore. J'ai l'impression d'avoir reçu un coup de matraque sur la tête. Le ciel s'illumine de flammes rouges et je perds conscience. Je découvrirai par la suite que deux avions ennemis et le mien ont commencé à tomber en même temps. Les balles ont enlevé les deux tiers du pare-brise du Zéro.

J'ai dû m'effondrer comme une pierre. Au bout d'un certain temps, l'air frais qui entre par le pare-brise me ramène à la conscience. La première image qui me revient à l'esprit est celle de ma mère chérie.

- Que t'arrive-t-il donc ? Tu n'as pas honte de t'évanouir pour une blessure si bénigne ? a-t-elle l'air de me dire. .

De 5 500 mètres je suis tombé à environ 2 000. Mon appareil continue à s'abattre, hors de mon contrôle, lorsque, brusquement l'idée me vient de faire une attaque-suicide. Si je dois mourir, me dis-je, il faut que j'entraîne un navire américain avec moi ! Un navire de guerre de préférence ! Je me souviens d'en avoir vu quelques minutes auparavant. Les bateaux courts et gros sont des transports, les longs et fins des croiseurs. Si je coule un de ceux-ci, ce sera tout à mon honneur. Je regarde autour de moi, mais je ne vois rien. Absolument rien ! Que se passe-t-il donc ? Je m 'aperçois alors que ma figure a été lacérée par de nombreux fragments de projectiles et que je suis aveugle.

Le Zéro pique toujours vers la mer. L'air s'engouffre dans l'habitacle avec une violence telle que je suis incapable de juger de la condition du moteur, voire de me faire une idée de ma situation de vol. Chose étrange, je ne souffre pas. Machinalement, par la force de l 'habitude, je tire sur le manche. L'avion paraît sortir de son piqué et reprendre une position horizontale. La violence du courant d'air s'atténue également. J'essaie de manipuler la manette des gaz. Ma main gauche est complètement inerte, je ne peux même pas plier les doigts. Lorsque je veux appuyer sur le plafonnier, je découvre que ma jambe gauche est pareillement inerte.

De désespoir, je lâche le manche et me frotte tes yeux avec la main droite, aussi fortement que possible et pendant assez longtemps. Je commence à distinguer le bout de mon aile gauche. Je vois -quoique faiblement- avec l'oeil gauche ! Je continue de frotter le droit mais sans résultat, je ne parviens pas à lui rendre la vision.

Tout me paraît coloré de rouge, comme si le monde entier brûlait furieusement. Je me frappe la jambe et te bras gauches avec la main droite, et ne sens rien. Ils sont paralysés. " Mais que s'est-il donc passé ? " me demandé-je sans cesse. Brusquement, je ressens dans la tête une douleur effroyable qui me coupe le souffle. Je me tâte maladroitement le crâne avec la main droite et la ramène gluante de sang.

A ce moment, alors que je suis pantelant, j'aperçois une chose noire qui défile au-dessous de mon aile gauche, puis d'autres, sans que je puisse reconnaître ce que c'est. Je m'interroge à leur sujet lorsque, par-dessus le bruit du moteur, j'entends un crépitement de mitrailleuses, plusieurs balles traversent les ailes, faisant vibrer le Zéro. Je volai directement au-dessus du convoi ennemi ! " Voici donc comment ma vie va finir Il, me dis-je, abandonnant tout espoir. Puisque j'ai repris un peu de conscience et que je peux piloter, il m'est loisible de m'écraser quand je le voudrai contre un navire américain. A quoi bon prolonger cette lutte inutile ? Ayant accepté l'inéluctabilité de la mort, je me calme sensiblement et peux mieux me rendre compte de la condition de mon avion. Une pensée me vient: N'ai-je pas abattu plusieurs ennemis aujourd'hui ? J'ai probablement porté mon tableau à soixante. Je leur ai infligé le sort que je vais connaître maintenant. Mon tour est venu. J'ai toujours su qu'il viendrait. Je viens de commettre la plus grande ~ et la dernière erreur de ma vie en prenant ces avions torpilleurs pour des chasseurs monoplaces. En tout cas, j'ai enfin rencontré ces appareils de la Marine américaine que je désirais tant connaître. Je n'ai rien à regretter.

Je me mets alors à soupeser mes chances de survivre. Je suis condamné, conclus-je. Si je le peux, je vais engager un chasseur ennemi. Je mourrai comme doit mourir un pilote de chasse, dans un combat aérien. Il ne sera pas trop tard pour m'écraser ensuite sur un navire.

Des chasseurs ennemis, il doit y en avoir beaucoup autour du convoi. Je me mets donc à décrire de larges cercles. Les minutes s'égrènent. Rien ne se passe. Vont-ils venir, après tout ? Vais-je enfin entendre crépiter les mitrailleuses d'un avion piquant sur moi ? J'attends, volant vainement. On dirait que je suis tout seul dans le ciel. Je regarde la mer, au-dessous de moi et constate que je me dirige vers Tulagi. Ma tête s'éclaircit de plus en plus et je vois également mieux de mon oeil gauche. Tendant la main droite vers la gauche, j'augmente les gaz. Le Zéro accroît aussitôt sa vitesse. Si cela tient, me dis-je, je pourrai prendre de l'altitude, et si la chance ne m'abandonne pas, je peux même gagner Shortland, Bouka, voire Rabaul !

J'ai bien accepté l'idée de mourir, mais ma nature humaine parle toujours, et je désire retarder ce moment le plus possible. Si l'avion continue à voler, si je garde ma conscience, tout espoir n'est pas perdu. Mais il faut arrêter cette perte de sang. Je me dégante et explore mes blessures., Celle de la tête paraît ta plus grave, elle saigne toujours. J'enfonce l'index et le majeur de ma main droite dans le trou pratiqué dans mon bonnet de vol. Ils pénètrent profondément et la plaie paraît gluante. Les os du crâne ont donc été touchés. Mais, chose incroyable ! j'ai l'esprit bien clair, et je commence à mieux voir qu'auparavant!

Je me rappelle l'histoire de Ryuma Sakamoto, un courageux samouraï qui survécut à une terrible blessure à la tête, infligée par un assassin. Allons donc! Avec un peu de chance, je parviendrai à Shortland. Il faut que j'essaye d'y arriver. Il doit m'être resté quelque chose dans la tête, me dis-je. Elle est anormalement lourde et l'hémorragie se poursuit. ( l'examen médical ultérieur montra que deux balles de mitrailleuse de 12,7 mm l'avaient frappée, et que de nombreux fragments étaient restés dans la boîte crânienne ). Le sang, chaud et Visqueux, coule sur mon cou, le col de ma combinaiSon et mon cache-nez l'arrêtent, et il y forme une masse gluante, très désagréable. Les parties de mon Visage exposées à l'air paraissent déchirées, lacérées. Le sang s'y est coagulé.

Ma situation est toujours désespérée. Je ne peux distinguer la rose du compas avec mon oeil gauche. Pour atteindre Shortland, il me faudrait suivre, en sens inverse, la route que nous avons parcourue ce matin, mais je n'arrive pas à m'orienter. Fort heureusement, en volant vers Guadalcanal, j'ai essayé de prévoir au cas où mon compas tomberait en avarie et où Je serais séparé des autres chasseurs. La seule solution, avais-je décidé, consistait à me diriger d'après le soleil. Je crache sur ma main droite pour me frotter les yeux à tout instant. Vainement ! Je ne peux même pas trouver le soleil. Je n'ai qu'une consolation: mon avion vole toujours, malgré les graves dommages reçus. En bonne logique, il devrait s'être abattu depuis longtemps. Constatant mon incapacité de découvrir la direction de Shortland, j'essaye de nouveau d'arrêter mon hémorragie j'emporte toujours des pansements triangulaires, justement pour un cas semblable. J'en sors un et essaie de l'appliquer sur ma tête. Le courant d'air l'arrache aussitôt. Une deuxième tentative n'a pas plus de succès. Il n'y a rien d'étonnant, puisque je dois faire l'opération et piloter simultanément l'appareil avec une seule main.

Je défais alors mon cache-nez, en place un bout sous mon pied droit, tiens l'autre de la main droite, et y découpe quatre bandes avec un couteau serré entre mes dents. Le vent arrache aussitôt trois de ces bandes qui m'ont donné tant de mal à faire. Il ne m'en reste plus qu'une. Je me contrains au calme. C'est à cause de mon impatience que j'ai perdu mes pansements et ces bandes. Pour diminuer la force du courant d'air, j'abaisse mon siège le plus possible. Puis je place les commandes du moteur et le manche dans une position permettant à l'avion de voler sans intervention de ma part.

Maintenant, je peux reprendre ma tentative. Je saisis un bout de la dernière bande entre les dents pour qu'elle ne soit pas emportée et. de la main droite. Je l'introduis, centimètre par centimètre. dans l'espace entre ma tête et mon bonnet de vol. Retenant ma respiration. je serre au maximum la jugulaire de celui-ci. Le sang cesse de couler. J'ai l'impression que ces efforts ont duré au moins une demi-heure. Au moment où je vais me détendre, je suis assailli par ma pire ennemie : la somnolence. Je sens que je glisse dans le sommeil, dans une chaleur où je ne souffre plus, et il m'est difficile de résister. Finalement, ayant réussi à ouvrir l'oeil gauche, je regarde autour de moi et découvre, à ma grande sur-prise, que le Zéro vole sur le dos. Je le redresse rapi-dement et corrige l'altitude. Si je ne garde pas toute ma conscience, je vais certainement m'écraser dans la mer. Je me frappe la tête du poing : la douleur qui en résulte me tient en éveil pendant un moment. Au bout de quelques minutes, cette douleur atteint une intensité presque intolérable. J'ai envie de crier. Mon visage semble balayé par une flamme. Il me semble que je brûle tout vivant. Pourtant, des vagues d'épuisent me submergent et je glisse de nouveau dans Je sommeil. Le Zéro vacille à mesure que ma main devient inerte. L'effroyable souffrance causée par mes blessures ne suffit pas pour me tenir éveillé. Je suis forcé de me frapper encore avec le poing. Pourtant l'avion vole droit et horizontalement. Je lutte désespérément pour rester en alerte. Chaque fois que je suis sur le point de succomber, je recommence à me frapper la tête. Tout à coup, je pense à manger. Environ une demi-heure avant d'arriver au-dessus de Guadalcanal j'avais consommé la moitié des makizushi ( gâteaux de riz ) que j'emportais toujours pour les longues missions. Il en reste donc, et cela suffira peut-être pour m'empêcher de dormir.

Avec mes mains, Poisseuses de sang, j'enfonce les gâteaux dans ma bouche, me forçant à les manger. Mais au quatrième, j'éprouve un malaise soudain et vomis tout ce que j'ai absorbé. Mon estomac refuse la nourriture. Il faut recommencer la procédure des coups de poing dans la tête.

Je sais que je m'endormirai tôt ou tard et que ce sera la fin. Jamais je n'atteindrai Shortland ou Bouka. Il vaut donc mieux retourner à Guadalcanal pour m'écraser sur un navire ennemi plutôt que d'errer au-dessus de l'océan jusqu'à ce que je perde complètement conscience ou que mon carburant soit épuisé.

Je fais demi-tour mais alors ma tête s'éclaircit comme par miracle. Je retrouve tous mes esprits et mes idées reviennent vers la possibilité d'atteindre un aérodrome japonais. Nouveau demi-tour ! Je mets le cap dans ce que je crois la bonne direction. L'instant d'après, la somnolence m'assaillie encore! Je me retourne pour la troisième fois. afin de regagner Guadalcanal, résolu à exécuter mon attaque-suicide. Même résultat, ma tête s'éclaircit. Je répète les mêmes mouvements à trois on quatre reprises.

Je suis pris dans un dilemme, entre l'instinct tout puissant de la conservation et l'ardent désir de terminer ce vol stupide par une mort glorieuse et honorable. Ces deux sentiments l'emportent tour à tour, et chaque fois je repars dans la direction opposée. Je redeviens complètement aveugle! Des silhouettes d'îles que j'apercevais disparaissent tout à coup, et le tableau de bord s'efface devant mon oeil gauche. On ne saurait imaginer situation pire. Je ne sais pas où je suis, ni dans quelle direction se trouve Guadalcanal ou ma base. J'essaye encore de cracher dans ma main pour me frotter les yeux. Il ne vient aucune salive. Ma bouche est absolument sèche.

Tout m'accable à la fois. Aveugle, perdu, à moitié paralysé. Le Zéro commence à embarder dans tous les sens, comme s'il avait perdu sa stabilité. Je manoeuvre désespérément le manche, essayant de maintenir l'appareil horizontal au seul juger.

La vue me revient brusquement I Des traînées blanches passent à une vitesse folle devant moi. Je suis presque dans l'eau. Ce sont des crêtes de vagues qui déferlent juste au-dessous des ailes. Une minute plus tard, je distingue une île sur l'avant. Je suis perdu m'écrié-je. Mais, en approchant de cette île je découvre qu'il s'agit d'un grain de pluie, très bas sur l'eau. Je commets ta même erreur à plusieurs reprises. Voilà près de deux heures que je vole ainsi sans but. Finalement, ma tête s'éclaircit assez pour me permettre de distinguer l'aile et les plus grosses lettres du compas. Mes chances de regagner une base japonaise sont plus grandes, désormais, qu'elles ne l'ont jamais été depuis que j'ai été blessé. Je m'estime sensiblement au Nord-Nord-Est des Salomon.

Avec ma manche, j'essaye d'essuyer le sang qui macule ta carte et étends celle-ci sur mes genoux. J e trace un X au point où je pense me trouver. Ensuite j'abats de 90 degrés vers l'Ouest, espérant croiser l'archipel des Salomon qui est orienté à peu près Nord-Sud. Quarante minutes plus tard j'aperçois un récif en forme de fer à cheval. C'est une des îles Green qui, à cause de sa forme particulière, a attiré mon attention, ce matin. En continuant ainsi, je ne vais pas tarder à arriver. J'ai désespéré pendant un certain temps, mais tout semble s'arranger. Rien n'est plus décourageant, pour un pilote, que de s'égarer, surtout quand son carburant touche à sa fin. J'ai repris confiance trop tôt ! A peine ai-je pris ma nouvelle route que le moteur stoppe. L'avion commence à tomber. Mes réservoirs principaux sont vides. il me reste encore une centaine de litres dans le réservoir de secours. Mais. pour économiser le carburant. je volais avec un mélange si pauvre que Je moteur ne repart pas quand je mets l'alimentation sur ce réservoir de secours. J'abandonne le manche pour remuer la tirette des gaz avec la main droite, la lâchant à tout moment pour manoeuvrer la pompe d'alimentation. Le moteur se remet à vrombir alors que l'avion touche presque la surface de la mer. Il m'a fallu actionner la tirette des gaz, manoeuvrer la pompe et diriger ma descente en glissade, quasi simultanément, avec une jambe et un bras paralysés plus un oeil aveugle ! Je suis couvert d'une sueur froide.

Quelques temps après, j'aperçois la Nouvelle-Bretagne. Rabaul n'est plus très éloigné, mon espoir d'y parvenir s'accroît aussitôt. Je commence à monter lentement, essayant de prendre de l' altitude pour suivre le chemin le plus court, par dessus l'île. Mais cela consomme du carburant. Puis tout s'écroule de nouveau. Un gros nuage noir apparaît directement devant moi, alors que j' atteins l' altitude de I 500 mètres. n ne me reste qu'à faire un détour. je ne peux pas me permettre de traverser ce nuage.

Je viens donc en route au Sud-Ouest. Au-dessous de moi je distingue plusieurs sillages blancs. Ils me semblent provenir de navires de guerre japonais qui se dirigent vers le Sud à grande vitesse. En me posant près d'eux. me dis-je, je serai sûrement recueilli. Mais je risque d'entraver ainsi une mission importante, ce que je ne dois pas faire. J e poursuis donc ma route vers Rabaul. Les minutes s'écoulent au rythme de mon moteur. Si j' éprouve encore un immense sentiment de fatigue. je ne connais plus de ces somnolences qui ont bien failli amener ma mort. Au bout d'un délai dont j'ignore la durée, je regarde au-dessous de mon aile droite et distingue Un grand cratère... Le cratère qui se trouve à côté de la piste. C'est Rabaul !

Je n'arrive pas à y croire. Tout semble se dérouler dans un rêve. Par la suite, j'apprendrai que j'ai volé pendant huit heures et demie ce jour-là.

Il va être extrêmement difficile d'atterrir, puisque ma jambe gauche est inerte et que je pourrai mal agir sur le gouvernail. Je crains de ne pouvoir me poser correctement, car mon avion a souffert terriblement du feu ennemi; c'est miracle qu'il tienne encore l'air. Dans ce cas, la règle est de se poser sur l'eau. Même si l'appareil coule, des embarcations, toujours tenues en alerte, peuvent recueillir le pilote.

Je me prépare au choc et diminue légèrement les gaz. Le Zéro perd graduellement de l'altitude. Mais, en descendant, je change encore d'idée. " Je suis sûr que mes heures sont comptées, me dis-je. Même si je parviens à me poser sur l'eau convenablement et si je suis sauvé, je ne vivrai plus longtemps. J'ai honte d'avoir pu penser à donner tant de mal à mes amis pour retirer de l'eau un homme qui ne pourra plus rendre de services. Bien que ce soit plus dangereux, il faut que j'atterrisse sur la piste, pour éviter tous les tracas que causerait l'autre procédure.

J'arrête donc ma descente et tourne autour de la piste, étudiant la meilleure façon de me présenter. Je fais un passage infructueux, remonte, et décide de voir si le train d'atterrissage manoeuvre bien. J'ai peu d'espoir, l'appareil ayant subi de graves dommages. Mais la petite lampe verte de l'habitacle s'allume, m'indiquant que ce train d'atterrissage est sorti correctement. Je suis encore plus surpris de voir les volets fonctionner sur les ailes. Après tout, rien n'est encore désespéré me dis-je.

Les perspectives me semblent favorables. Je tourne an bout de la piste et recommence à descendre. Je ne sais pas ce qui peut se produire - le train d'atterrissage risque de s'écraser, par exemple - aussi coupé-je l'allumage pour éviter un danger d'incendie ou d'explosion. Habituellement, je le fais avec la main droite mais c'est impossible aujourd'hui. Je parviens à manoeuvrer le contact avec ma jambe droite, après m'être tortillé dans toute la mesure permise par la paralysie de ma jambe et de mon bras gauches. Estimant mon altitude et la rapidité de ma descente par la cime d'un bosquet de cocotiers que je distingue vaguement, je glisse vers la piste. Je pilote comme à travers un brouillard, jusqu'au moment où je sens les roues toucher le sol.

Comme j'ai coupé l'allumage, l'hélice s'arrête presque instantanément. Je perçois le ralentissement subi par l'appareil en roulant.

Le sentiment indescriptible d 'être de retour à terre emplit mon cerveau et tout mon corps. C'est un instant suprême que seul un pilote peut connaître. " Je suis rentré! " Cette pensée exaltante efface toutes les autres. je sens le sommeil m'attaquer de nouveau. sans doute en conséquence du relâchement de la tension. Mais, cette fois, je n'ai plus à lutter, je m'abandonne à un monde noyé dans un brouillard rouge. je ne me souviens pour ainsi dire plus des événements extérieurs.

Pourtant, avant de perdre conscience j'entends des voix crier mon nom tandis que des mains me saisissent. Elles hurlent: " Sakai ! Sakai Il ne peut pas mourir ! "

Des hommes montent sur les ailes du Zéro. Ce sont : le capitaine de frégate Kozono, le chef d'état-major, le capitaine de corvette Nakajima, un chef de groupe et le lieutenant de vaisseau Sasai, commandant de mon escadrille. Ils détachent mon parachute et ma ceinture de sûreté, me soulèvent et me descendent doucement au sol.

Mon visage, m'a-t-on dit plus tard, était si couvert de sang coagulé et enflé si effroyablement, que je leur parus arriver d'un autre monde et que même mes pilotes s'épouvantèrent et s'écartèrent à ma vue.

Saburo Sakai quelques minutes aprés son retour miraculeux

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