L'art des Indiens d'Amérique du nord, Christian F; Feest

 

À l'exception de la région située autour du détroit de Bering -voie de passage migratoire pour les premiers Américains à la fin du Pléistocène (avant 1800 av.J.-C.) -les zones les plus septentrionales du Nouveau Monde resteront inhabitées jusqu'à une époque avancée des temps préhistoriques; mais avec le recul des glaciers, des groupes de chasseurs vont se déplacer lentement vers l'est, atteindre la région arctique du Canada puis le Groenland au troisième millénaire av. J.-C. Une culture proprement eskimo va faire son apparition dans la région du détroit de Bering à partir de 2000 av. J-C. Elle se répandra dans un premier temps à travers les Aléoutiennes et le sud-ouest de l'Alaska où elle deviendra culture ancestrale pour les Aléoutes de la période historique et pour les Eskimo de langue yup'ik. Quelques temps plus tard, une autre vague migratoire se dirigeant vers l'Est et composée de groupes plus spécialisés de chasseurs-pêcheurs atteindra le Groenland à peu près à l'époque du Christ (Eskimo Dorset). Sous l'impulsion ininterrompue d'influences asiatiques, deux traditions culturelles presque contemporaines et se chevauchant géographiquement vont se développer dans le nord-ouest de l' Alaska: ChorisNorton-Proche Ipiutak (de 1000 av. J.-C. env. à 500 ap. J.-C.) et Maritime du Nord (300 av. J.-C. ; subdivisée en phases Okvik, Ancienne Mer de Bering, Birnirk, et thuléenne). À partir de 1000 ap. J.-C., la civilisation thuléenne, en s'étendant à l'est jusqu'au Groenland et à l'ouest jusqu'au détroit de Norton, apportera aux cultures des Eskimo de langue inupik de la période historique une certaine unité. Les différences culturelles entre Aléoutes et Eskimo du sud-ouest de l' Alaska d'une part, et descendants des Eskimo de Thulé d'autre part, vont se trouver renforcées par des différences d'environnements. L'ouest de l' Alaska et la toundra aléoutienne bénéficiant de températures relativement clémentes et d'un taux de précipitations assez élevé, on y trouve une faune et une flore àbondantes et donc une forte densité de population. En revanche, la survie dans la toundra désertique et glaciale de la partie continentale du nord-est dépend en grande partie de l'exploitation des ressources du milieu (essentiellement des mammifères marins) par de petits groupes spécialisés. La chasse au caribou n'est que saisonnière sauf parmi les peuples terriens comme les Eskimo caribous. Le bois (bois flotté) n'est disponible qu'en petites quantités; c'est pourquoi, l'os, l'ivoire de morse et les peaux sont devenus les matières premières de base de ces populations.

Les Eskimo, vivant de part et d'autre du détroit de Bering, vont se faire les intermédiaires d'échanges aussi bien commerciaux que culturels entre l'Asie et l'Amérique. En dépit de rapports plus que tendus avec leurs voisins amérindiens, nous possédons la preuve d'influences réciproques, surtout sur la côte Nord-Est. Quant à leurs premiers contacts avec les Européens, ils remontent à l'implantation d'une colonie norvégienne au Groenland entre les XIème et XVème siècles. Au début du XVIIIème siècle, les Danois s'établissent solidement à l'ouest du Groenland tandis que la présence russe se fait sentir dans la chaine aléoutienne et à l'ouest de l'Alaska. Alors que ces premiers centres de contacts vont connaître de profonds bouleversements, le reste de l'Arctique n'entrera dans la sphère d'influence de l'Amérique blanche que bien plus tard. Pour nombre d'Eskimo canadiens, le passage de la vie traditionnelle à la vie moderne se fera au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de façon brutale.

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